Le Freight Audit n’est que rarement un sujet prioritaire pour les supply chain managers des grandes entreprises européennes. Pourtant, notre expérience sur le sujet nous a fait réaliser que le potentiel de cette pratique, à première vue très « terre-à-terre », va bien au-delà de sa vocation initiale. A travers cette série de trois posts de blog, nous avons voulu lever le voile sur les vertus méconnues de cette activité, qui mérite largement sa place au rang des bonnes pratiques indispensables à l’excellence de la supply chain. Dans un premier temps, restons-en au strict contrôle des factures : il y a déjà beaucoup à gagner.
Une démarche minutieuse
Le Freight Audit, en français contrôle des factures transport, constitue la quasi-quintessence de ce que l’on imagine lorsque qu’on pense à une activité opérationnelle. En bref, ce contrôle permet à un donneur d’ordre de vérifier l’exactitude des factures émises par ses transporteurs. L’objectif étant de déceler des décalages entre les montants théoriquement dus et ceux effectivement facturés afin d’aligner achat, consommation et facturation et, de fait, réduire la dépense.
Bien entendu, les choses ne sont pas si simples puisqu’une facture de transport peut comporter plusieurs centaines, milliers voire centaines de milliers de lignes. Or, un contrôle facture de qualité ne peut pas faire l’économie de l’exhaustivité : quel serait exactement l’intérêt de ne contrôler qu’un petit échantillon d’une immense facture à la recherche d’anomalies ? A ce compte-là, autant essayer de trouver Charlie en ne regardant, pour chaque page de l’album, que le coin avant droit… Une méthode incontestablement légère, mais à la fiabilité à priori douteuse.
Des gains évidents, une pratique minoritaire
Pourtant, le jeu d’une véritable — et donc exhaustive — démarche de contrôle facture en vaut largement la chandelle. Notre activité de Freight Audit nous amène chaque année à contrôler des millions de lignes, pour le compte d’une cinquantaine d’entreprises, industriels et distributeurs exerçant dans des secteurs variés. Les indicateurs qui en sont issus sont très clairs : sur un périmètre contrôlé, les écarts constatés entre les montants contractuellement dus et ceux facturés vont dans la grande majorité des cas de 2 à 5%. Pour nos clients Freight Audit, dont le budget transport va typiquement de 10 à plusieurs centaines de millions d’euros par an, il ne s’agit pas de sommes négligeables.
Supposément, des entreprises consacrant de telles sommes à leur transport devraient en toute logique disposer d’une supply chain mature. Or, aucune supply chain mature ne devrait normalement souffrir de telles déperditions budgétaires, surtout quand la nature de celles-ci les rend totalement injustifiées : on parle tout de même de ne payer que ce qui est dû. Ainsi, il semble à priori fou qu’une grande entreprise européenne ne dispose d’aucun mécanisme pour contrôler efficacement sa dépense transport. Et pourtant… inutile de vous faire un dessin ! Celles ayant mis en place une démarche exhaustive de Freight Audit, que ce soit en interne ou par le biais d’un spécialiste, demeurent très largement l’exception.
Par ailleurs, là où les directions financières ou d’audit interne poussent afin de mettre en place des procédures de contrôle des factures pour des budgets infiniment moindres que le transport (téléphonie, intérim…), ce dernier ne semble pas éveiller leur intérêt. Cela est d’autant plus regrettable que nos amis — et parfois concurrents — nord-américains semblent bien plus en pointe sur le sujet. Là-bas, le Freight Audit est une bonne pratique très largement ancrée dans les mœurs des supply chain managers, qui la jugent indispensable.
Cela n’est pas particulièrement surprenant pour l’observateur attentif car, comme nous le verrons dans notre prochain post, le Freight Audit a des vertus que sa vocation si « bassement » opérationnelle ne laisserait pas soupçonner.