Q. De par votre position, vous bénéficiez d’une vision particulière sur le marché de la digitalisation transport. Quels sont les enseignements à tirer de l’année qui vient de s’écouler et les perspectives à dessiner pour 2023 ?
La bonne nouvelle, c’est que depuis le dernier trimestre 2022, on sent vraiment que les projets se remettent peu à peu en marche et que de nouveaux investissements sont même envisagés. Et c’est un ressenti qui se confirme en ce début d’année 2023.
De façon logique, dès qu’on assiste à des bouleversements qui induisent des dysfonctionnements au niveau du marché, cela concentre immédiatement toute l’attention de nos prospects qui se concentrent en urgence sur des sujets plus opérationnels. Forcément, cela limite la bande passante nécessaire pour se consacrer à des projets d’optimisation.
Les chocs successifs de ces dernières années liés à la pandémie de la COVID 19 puis au conflit en Ukraine ont évidemment généré beaucoup de craintes et d’attentisme. Même si beaucoup d’incertitudes animent toujours le marché, le dégel semble petit à petit se mettre en place.
Les entreprises se sont aussi rendues compte que les choses se seraient mieux passées si des optimisations avaient été mises en œuvre pendant ces crises, en leur permettant de réagir plus rapidement pour minimiser les conséquences, de modéliser les impacts potentiels, d’ajuster leur stratégie en temps réel et de piloter ces bouleversements inédits de manière agile. On peut dire que cela a achevé de les convaincre de la pertinence de tels projets de digitalisation.
La digitalisation est plus que jamais un facteur clé de la résilience des organisations. C’est un concept dont on entend de plus parler et qui est en effet au cœur des enjeux auxquels elles doivent faire face aujourd’hui.
Au niveau du marché en lui-même, les choses commencent aussi à se structurer. Les acteurs sont plus matures et mènent de plus en plus de projets d’envergure autour des sujets de data et digitalisation. Cela rend les solutions marché plus concrètes, plus visibles. Côté client, les problématiques sont identifiées de manière plus claire et les moyens pour y répondre aussi. On le voit clairement au quotidien. Il y a 3 ans, on était vraiment dans une démarche d’évangélisation. Aujourd’hui, on rentre plus dans le concret, dans la démonstration du bénéfice à la fois stratégique et opérationnel.
Q. Quelle est la place de la donnée dans le secteur du transport de marchandises aujourd’hui ?
Elle est plus que jamais centrale. On en revient au sujet de la résilience. Les crises que j’ai évoquées ont réellement accéléré la prise de conscience en la matière. Les entreprises savent qu’elles ont besoin de la donnée pour être flexibles, agiles, réactives et même proactives. On sait que le transport et un secteur très peu mature en ce qui concerne la donnée et beaucoup de chemin reste à faire pour que les entreprises soient digitalisées, les données normalisées et correctement partagées et les acteurs interconnectés.
De façon très concrète, la généralisation de la pratique du télétravail a aussi mis en lumière le besoin d’accéder à une donnée fiable via des outils utilisables en toute situation, à n’importe quel moment et en toute sécurité.
Si on prend de la hauteur, l’apport du digital se ressent directement au cœur de tous les enjeux qui touchent le transport. On sait par exemple que la dépense transport peut représenter jusqu’à 10% de la dépense globale d’une entreprise. Dans le contexte de hausses tarifaires inédites que l’on connaît actuellement, la mise sous contrôle des coûts revêt une importance stratégique, tout comme, de facto, le besoin d’outils qui peuvent apporter une maîtrise de la donnée et une granularité assez fine pour pouvoir suivre et contrôler la dépense de façon réellement efficace. Et cela s’applique aussi aux enjeux de qualité et de décarbonation.
Q. Penchons-nous justement sur les enjeux qui animent le transport en ce début d’année 2023. Pouvez-vous brièvement revenir sur celui que vous venez d’évoquer, la dépense transport ?
Comme dit auparavant, le contexte de forte hausse des tarifs du transport à rendu presque vital le besoin d’une visibilité nette et sans bavure sur les dépenses afin de pouvoir maîtriser au mieux leur variation.
Dans les faits, le contrôle des factures, qui restait un besoin réel mais peu adressé jusqu’ici, devient peu à peu un basique. C’est un excellent signal car de tels projets font souvent office de première brique vers la digitalisation de la donnée transport et au-delà, de toute l’organisation.
Ce sont aussi des démarches auxquelles on peut associer un ROI assez clairement identifié et de nombreux bénéfices ressentis en interne (capacités de traitement des données plus fiables et plus sûres, gains de productivité et amélioration de la satisfaction des collaborateurs grâce à l’automatisation de tâches chronophages, échanges facilités avec les autres départements et entités de l’entreprise…). C’est un point stratégique pour les porteurs de ces projets car cela facilite l’adhésion en interne et permet aux équipes transport de générer plus facilement un budget dédié.
Le cahier de tendances 2023 du transport de marchandises
Achats, digital, décarbonation, overseas, distribution… Quels sont les enjeux majeurs qui animent le marché du transport de marchandises en ce début d’année 2023 ? Retrouvez les points de vue des experts de bp2r et Sightness.
Q. Vous avez également évoqué tout à l’heure l’enjeu de qualité…
On le sait, l’un des autres effets de la crise sanitaire a été une accélération brusque du recours déjà grandissant au e-commerce, et naturellement, de la hausse des attentes et des exigences des clients en matière d’expérience de livraison.
Ce qui est particulièrement notable, c’est la déclinaison progressive de ce phénomène sur le B2B. Les habitudes de consommation continuent à se transmettre par contagion au milieu professionnel et beaucoup de nouveaux projets digitaux sont menés dans ce sens.
Il y a un enjeu clair sur la maîtrise de la donnée qualité, à la fois dans l’objectif d’être en mesure de la rendre accessible au client final, qui souhaite suivre précisément et contextuellement sa commande et ses délais, et dans la mise sous contrôle de la performance des transporteurs, base indispensable pour des revues de performances efficaces et réellement porteuses d’optimisations conjointes.
D’un point de vue plus stratégique la qualité de la livraison a un impact majeur sur la satisfaction client et in fine sur le chiffre d’affaires. Dans le contexte que l’on connaît, les entreprises y sont de plus en plus sensibles et ont cruellement besoin d’outils pour piloter efficacement la performance des transporteurs.
Q. Il nous reste donc à aborder la diminution de l’empreinte carbone liée au transport, qui fait déjà figure d’enjeu planétaire majeur. Quelles sont les perspectives côté prospects/clients ?
La décarbonation du transport de marchandises est heureusement en train devenir un incontournable. C’est une tendance qui se confirme clairement depuis plusieurs années. On voit de plus en plus de projets et d’entreprises qui ont besoin d’y voir clair, de savoir précisément d’où elles partent et surtout, ou elles vont.
Qu’il s’agisse de calculer les émissions de CO2 liées au transport, d’identifier les pistes et les leviers de décarbonation ou de piloter leur mise en œuvre pour suivre leurs effets, là encore, le fil rouge, c’est la donnée et la capacité à la comprendre et à l’actionner.
Les actions de décarbonation concentrent de plus en plus d’attentes de la part des clients et de toutes les parties prenantes des entreprises. Et de plus en plus d’initiatives sont menées, à l’image de la Charte FEVAD, qui inscrit dans ses commandements l’obligation d’information du consommateur sur les émissions de CO2 liées aux livraisons. Des acteurs importants du marché se sont d’ores et déjà positionnés en ce sens et vont faire figure de fers de lance, créant sans nul doute une dynamique qui deviendra bientôt une norme, y compris en B2B.
La vraie problématique ici, c’est d’être 100% fiable dans la mesure des émissions et dans les données qui seront transmises au client final. Les acteurs du transport ont semble-t-il compris qu’ils ne pourraient faire sans cet enjeu et veulent aussi anticiper les évolutions réglementaires en construisant des bases saines pour établir et piloter une feuille de route pertinente.
L’étape d’après, c’est sans conteste la capacité à valoriser le coût associé aux émissions de façon à pouvoir quantifier tangiblement l’empreinte carbone au niveau financier. Cela risque de devenir une mesure indispensable au regard des taxes qui sont susceptibles d’être mises en place.
Arthur Auclair
VP Sales depuis 2019 chez Sightness, Arthur Auclair a consolidé son savoir-faire en B2B dès le début de sa carrière professionnelle. Ses différentes expériences passées lui permettent de répondre aux besoins de ses clients en toute agilité.